NOTE SUR LA REFECTiON DES FACADES

DU LYCEE JEAN-JACQUES ROUSSEAU A SARCELLES

par Joseph BELMONT architecte

(septembre 1997)


 

 

I°) Le contexte

1-1 L'origine du lycée

Le lycée de Sarcelles a été réalisé dans le cadre d'une commande groupée, faisant suite elle-même à un concours conception-construction organisé en 1962 par le Ministère de l'Education Nationale.

L'Etat se trouvait alors confronté à une aise importante de locaux d'enseignement secondaire1 et il avait pour objectif de construire beaucoup vite et bon marché. C'est dans ce contexte qu'a été réalisé le lycée Jean-Jacques Rousseau à Sarcelles.

Sa construction a été confiée à une équipe lauréate du concours conception-construction regroupée autour de Jean Prouvé et dont le mandataire commun était la société CIMT (spécialisée dans le matériel ferroviaire et cherchant alors à se diversifier dans le bâtiment). Cette équipe comprenait en outre l'entreprise Quillery et 4 architectes qui avaient une solide expérience de l'industrialisation : J. Belmont, M. Silvy, J. Dick et J-M. Périllier.

Chacun de ces architectes a été ensuite chargé d'une partie des opérations, en appliquant à des programmes et à des sites différents le procédé mis au point avec Jean Prouvé. C'est à moi-même qu'a été confiée la responsabilité du lycée de Sarcelles.

1-2 Les principes de construction

La structure de l'édifice est réalisée en béton armé. Elle est composée d'une rangée centrale de portiques coulés dans des moules industrialisés et assurant le contreventement général du bâtiment. Sur ces portiques, viennent s'assembler un ensemble de poutrelles et de poteaux préfabriqués en usine foraine. Le plancher a été revêtu d'un dallage continu sur toute la surface du bâtiment.

Le dessin de la structure a été conçu de façon à faciliter la pose des différents équipements de l'édifice canalisations, appareils d'éclairage, radiateurs etc...

Les façades sont constituées d'un mur-rideau continu, composé de trois panneaux standardisés, l'un plein, l'autre vitré fixe et le troisième vitré coulissant. La protection solaire était assurée par des stores extérieurs en toile.

Les cloisons intérieures sont composées de panneaux préfabriqués, assemblés librement à chaque étage.

1-3 La conception de l'édifice

Le programme prévoyait la réalisation de deux ensembles de classes, d'un réfectoire, d'un gymnase, d'une administration et de plusieurs logements.

Ces différentes fonctions ont été affirmées dans des bâtiments autonomes, répartis sur l'ensemble du terrain.

Ces bâtiments s'ouvrent sur des jardins dessinés pour en atténuer la rigidité et pour en faciliter la liaison.

Ils sont réunis à l'entrée du lycée par un parvis traité de façon très minérale, qui constitue le "cœur" de l'établissement et qui a été aménagé en espace d'accueil et de rencontre. Des portiques préfabriqués annoncent partout la structure intérieure du lycée.

Les façades, dont une partie a été remplacée, étaient à l'origine extrêmement colorées.

1-4 La mémoire d'une époque

Le lycée Jean-Jacques Rousseau constitue un témoignage intéressant de l'architecture des années

60.

Il se caractérise par un certain radicalisme, conséquence des contraintes de coût et de délais de cette époque.

Il constitue une application extrême des théories du Mouvement Moderne, qui se caractérisent, rappelons-le, par les deux principes fondamentaux de l'autonomie et du fonctionnalisme et qui se traduisent par des bâtiments librement disposés sur de grands espaces verts.

Mais ils représentent également une tendance à recomposer et à humaniser ces bâtiments. L'architecture française de cette époque est faite d'une contradiction très forte et finalement très riche entre les idées du Mouvement Moderne et celles enseignées alors à l'Ecole des Beaux Arts.

Ce lycée représente enfin l'obsession de la "modernité" qui caractérise ces années : "une nouvelle civilisation est née, rien du passé ne peut servir à l'exprimer, tout doit être neuf" (Le Corbusier).

 

Il°) Les façades

2-1 Le problème posé

Compte tenu de leur vétusté, les façades ne sont plus en mesure d'assurer une protection satisfaisante du bâtiment. Il a par conséquent été décidé de les remplacer par étapes.

Il existe schématiquement trois types de solutions à ce problème:

la reconstitution à l'identique;

la reconstruction d'une façade sans aucun rapport avec l'ancienne;

ou encore la recherche d'une façade nouvelle retrouvant l'esprit de l'édifice existant.

C'est vers cette troisième solution qu'il faut s'orienter. La reconstitution des façades existantes serait en effet extrêmement onéreuse (seule une très grande série a permis de créer les outillages nécessaires à l'emboutissage des panneaux pleins et au cintrage des panneaux vitrés). Quant à la deuxième solution, elle ferait disparaître de façon regrettable un témoignage architectural intéressant.

Il s'agit donc de retrouver, en utilisant les techniques de notre époque, l'esprit de cet édifice.

2-2 Les caractéristiques générales

Dans cette perspective, les façades doivent constituer un grand mur-rideau accroché à la structure en béton armé, et réalisé à l'aide de matériaux légers (aluminium, acier etc...), à l'exclusion du béton. Les techniques adoptées doivent être partout affirmées, en évitant toute tendance à la décoration. Les façades doivent contribuer à maintenir la simplicité et la radicalité des volumes construits existants.

2-3 La modénature architecturale

Dans cet esprit, il convient d'éviter dans les façades les ressauts, les saillies, les ruptures, les. corniches, sans craindre une certaine répétitivité tout au long des bâtiments.

lI convient également d'éviter tout découpage des façades qui ferait appel à des modénatures sans rapport avec les fonctions internes.

Les façades peuvent être néanmoins colorées (ainsi qu'elles l'étaient dans leur état initial).

Les pignons doivent être revêtus, comme aujourd'hui, de façades pleines de part et d'autre de leur partie centrale.

Il a été prévu enfin de conserver une façade-témoin, comme mémoire des anciens édifices, sur le bâtiment du réfectoire dans une zone qu'il conviendra d'arrêter.

 

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